Ange gardienne

25/11/2022

Elle est entrain de partir, elle est entrain de mourir. Depuis quatre jours je suis en confinement avec elle, je ne veux pas sortir, je ne veux pas la quitter. Ma compagne à moustaches, ma tendresse incarnée. J'ai tenté le véto il y a plus d'une semaine, c'était quitte ou double. La maladie et la vieillesse ont gagné. Depuis dix jours j'ai le cœur qui saigne en silence. Plus rien ne la soigne et je dois m'y résoudre, je dois accepter de la regarder mourir lentement, s'effacer doucement.

Hier soir elle a rendu son dernier souffle notre ange gardienne aux yeux vert. On dit que les chats s'isolent lorsqu'ils vont mourir. Elle est restée sans cesse à nos côtés, cherchant nos présences et s'apaisant sous nos caresses. Elle est morte entourée de mon fils et de moi. Elle est enterrée sous un grand chêne.

Si j'écris aujourd'hui c'est que je me dois de lui rendre hommage et un hommage c'est bien souvent public. J'ai longuement hésité ... Nos réseaux sociaux regorgent de nos moments intimes et personnels... Et parfois cela me semble trop... 

Ils se trouve que j'ai entamé un chemin particulier en créant mon blog. Un chemin mêlant l'intime, la fiction, le récit autobiographique, la poésie, l'écriture dramaturgique... Ce blog, si particulier à mon cœur, reflète mon cheminement face au deuil violent que j'ai dû affronter il y a six ans exactement. Il reflète aussi mes interprétations personnelles du monde que nous sommes toutes et tous entrain d'affronter depuis le premier confinement COVID. Comme si deux ruptures majeures avaient eu lieu dans ma vie, l'une concernant le suicide d'un grand amour et l'autre le monde qui part en cacahuètes et nous entraîne toutes et tous vers les abîmes qu'ouvre une potentielle fin de notre monde. L'impact majeur de cet sorte d'effondrement sur mon fils, tout juste âgé de 17 ans lors du premier confinement, en plein envol personnel et brutalement cloué au sol par ce monde mortifère et chaotique, ce monde tout d'un coup emprisonnant et anxiogène, cet impact a été impressionnant en fait.. La déflagration ne s'est pas faite sentir tout de suite.

On pourrait vraiment se demander pourquoi je parle de tout cela et quel rapport cela peut avoir avec cet hommage que je veux lui rendre ici. Cela a tout avoir.

Nos animaux de compagnie, ont cette grâce incroyable de nous capter, de nous ressentir, de percevoir la couleur des battements de nos cœurs. Nous avons traversés de grandes douleurs, d'immenses pertes, la solitude aussi, dans ce qu'elle a de plus cruelle, nos cœurs respectifs ont été mis à rude épreuve et toujours elle fut là pour nous deux, depuis les 7 ans de Léo (elle est arrivée dans nos vies pour son anniversaire). 

Elle ne m'a pas lâché d'une semelle lorsque la mort et le deuil m'ont littéralement terrassée, elle a été d'une présence et d'une tendresse enveloppante, léchant sans relâche mes larmes, se pelotonnant dans mon cou.  Lorsque Léo s'est perdu, l'année dernière, elle ne l'a pas lâché non plus, imprimant sa douceur et sa présence patiemment. Nos animaux de compagnie ont cette grâce infinie de nous offrir un amour inconditionnel et constant.

Notre maison est aujourd'hui vide de sa présence rassurante et aimante, vide de son beau corps félin, vide de son regard intense. Nous avons perdu notre ange gardienne. Dire notre peine et notre amour, lui aussi inconditionnel, est un nécessaire hommage. Sa vie nous fût essentielle, son amour vital. Son absence aujourd'hui semble presque inconcevable. Pourtant tous les être vivants sont mortels et les deuils font partis du cheminement de nos vies... Elle est enterrée sous un grand chêne et son âme flotte encore dans la maison.

Le 25 novembre 2022.