Cinquième lettre
Mon épousé,
Parfois je glisse ma main dans la tienne, même si charnellement elle n'est plus là. J'ai besoin de ce geste insensé, car il me rassure et m'apaise. Je suis en voiture et j'entends une chanson qui me projette vers toi, littéralement. Toi, notre fabuleux chanteur, des longs trajets familiaux. Les larmes viennent immédiatement, alors je glisse ma main dans la tienne, car, pour le coup, tu es là, de nouveau assis juste à côté de moi, ma mémoire sensorielle ne me trompe pas, cette place à côté de moi, tu l'as occupée, et le siège est encore imprégné de ta présence lorsque je suis seule au volant. Je glisse ma main dans la tienne, et je la ressens, chaude, grande, forte et douce à la fois, qui se referme délicatement sur la mienne. Tu as tant fait ce geste simple et doux. Tout mon être, alors, venait se nicher dans nos mains enlacées et plus rien ne pouvait entamer ma félicité. Parfois, je la cherche dans l'air qui m'entoure, je la cherche et je la visualise très précisément, ta main que je trouvais magnifique, elle est là, flottant au dessus de moi, caressant mes cheveux, effleurant ma joue, un de ses long doigt glissant le long de mon nez, passant sur ma bouche. Elle se pose dans mon cou , recouvre mon épaule puis descend lentement entourer mon sein et je m'endors comme lovée en son creux. Lorsque je marche et que je te sens présent, à mes côtés, à ce moment précis, c'est toi qui prends ma main et glisses tes doigts entre les miens. Toute ta tendresse m'enveloppe, me transporte et qu'importe que ce ne soit que la mémoire qui revient, qu'importe que ce ne soit pas réel, ni incarné. Cette mémoire si douce ne me fait plus autant souffrir et j'arrive même à m'en nourrir, pour ne pas dépérir, afin que mon cœur ne s'assèche, que mon âme ne rétrécisse ; pour que ta présence, la puissance de ton corps imposant et de tes mains amoureuses continuent de m'habiter sans que le morbide l'emporte ; pour que le souvenir des jours heureux, le souvenirs des bonheurs simples, fous,, tendres, enfantins, submergés d'amours, que nous avons partagés, sans retenue aucune, reste palpitant, vivant, et continue de me grandir, de m'épanouir. J'aime imaginer que tes mains sont là pour moi, pour me porter lorsque je n'en peux plus, pour m'apaiser lorsque l'inquiétude et le doute m'assaillent. Ce sont elles qui me chuchotent encore tes mots d'amour, car la trace de ta voix est infiniment plus difficile à retrouver que la forme et le sensible de tes mains caressantes, généreuses. Tes mains dessinaient, cuisinaient, bricolaient, jardinaient, jouaient, enlaçaient, chatouillaient, conduisaient, soignaient, réchauffaient, rassuraient, lisaient, câlinaient ; tes mains aimaient la terre, le ciel, le vent, l'eau des rivières, l'eau de la mer, et le doux frissons de ma peau. Tes mains donnaient, donnaient, donnaient, tout ce qu'elles pouvaient, du mieux qu'elles pouvaient. Tu me manques mon bel homme aux mains d'or et d'amour., alors je glisse ma petite main esseulée dans la tienne, et le monde s'éclaircit, et la vie me sourit ... un peu.
04 septembre 2021