Douce résistance
On se glisse, on se faufile, on s'insinue comme une plante grimpante, on s'accroche comme le lierre au chêne, on s'accroche de toutes ses forces. On grimpe on grimpe, sans relâche, en espérant atteindre la cime et respirer enfin le ciel. On imagine, on rêve, on espère vivre au sommet de son art, au sommet de sa vie à la lumière du soleil et des étoiles. On s'accroche, on résiste de toutes ses forces lorsque la progression devient douloureuse, fastidieuse. Et si l'on progresse beaucoup moins vite, on progresse, on progresse, inlassablement, on continue de mettre dans cette progression ralentie toute sa vaillance et son énergie. On se cache parfois, pour ne pas être arraché-e violemment, éjecté-e sans ménagement de cet arbre nourrisseur et salvateur. On cherche, on cherche sans répit l'appui et le réconfort, la consolation, l'apaisement des larmes et des grandes douleurs, au creux de ses branches qui enlacent. On reçoit, on reçoit sans retenue, on reçoit sans mesure la simple douceur, l'illumination tendre, odorante, de ses branches consolantes. On aimerait se moquer du regard des autres, là, posés tout autour, jugeant votre ascension, sa fluidité, sa qualité, sa rentabilité, on aimerait se moquer et ne plus avoir à prouver quoi que ce soit à quiconque : grimper tranquille vers les nues pour y rayonner à notre mesure, dans notre temporalité simple et fragile... fragile fragile et habile, fragile fragile et gracile.. On rugit, on ronronne, on chantonne au tempo du battement de la sève qui pulse et circule. On crie aussi. On vit, on vit sans anesthésie. On se glisse, on se faufile, on s'accroche, on grimpe, on grimpe invincible, légitime et sans jamais nuire à personne.