LES PLACARDS / Episode 41
- Tu as creusé assez profond ?
- Je ne peux pas plus.
- Il faut l'enfouir cette clef, le plus profond possible.
- Elle nous servira un jour, tu crois ?
- Oui, mais pas en ce moment, pas en étant sous le joug des puissants de ce monde. Ils ne veulent rien entendre. Ils nient toutes réalités politiques et sociales qui les dérangent. Ils nous la jouent à l'envers, ils nous enrobent leurs discours de sucre, les saupoudrent de belles promesses, jamais tenues, et dans le même temps, en loucedé, ils sont entrain de nous asservir ou de nous tuer, l'air de rien en tout impunité.
- Il faudrait leur couper les cordons de la bourse.
- Comment ça ?
- Il faudrait pouvoir les priver de toutes leurs richesses, quelles qu'elles soient...
- C'est une idée. Et à ton avis comment procède-t-on ?
- Aucune idée
. Un piratage mondial de tous leurs comptes officiels ou offshores ?
- Tu saurais faire ça ?
- Non ! Tu rêves là !
- Tu connais quelqu'un qui sait le faire ?
- Personne ne sait faire cela... Si quelqu'un savait le faire, se serait déjà fait.
- C'est certain ça ?
- Oui, absolument.
- Tu crois qu'il existe des tentatives ?
- Sûrement
. Si j'en a eu l'envie, il doit y avoir des milliers de personnes qui l'ont eu aussi, ou qui l'auront, et qui tentent comme nous de résister à la catastrophe annoncée.
- Ça ne nous avance pas beaucoup, tout cela.
- A qui le dis tu ! On va crever ici, vissé-és, planqué-es dans nos placards, à cause de ma connerie. Quelle angoisse !
- Il faut tenir le coup, c'est pas compliqué. Il faut que l'on continue de cogiter, on va bien finir par trouver une solution à tout ce merdier ?
- En restant dans nos placards perdu-e-s dans la pampa ? On en revient toujours au même. C'est fatiguant. J'ai l'impression d'être un hamster qui tourne sans fin dans sa roue.
- Ça ne pue plus la vase. L'herbe repousse verte et drue, les fleurs repointent le bout de leurs boutons.
- En ce moment je préférerais être protéger par notre lac éphémère.
- Ton angoisse t'égare, je crois. Ils vont nous oublier. Déjà Mister Drone a réduit ses rondes. Ils ont d'autres chats à fouetter, que deux placards seuls au milieu de nul part.
- Tu crois qu'il faut encore maintenir les distances physiques d'urgence sanitaire ?
- Sûrement, mais nous avons dormi-e-s ensemble, alors...
- J'aimerais coller mon placard au tien, c'est possible ?
Silence.
- Cela te dérange ?
- Un peu.
Silence
- Tu sais que je suis un peu ...
- Associable ? Solitaire ? Invivable ?
Silence
- Excuses moi. Bien sûr que tu peux coller ton placard au mien
.- Non, laisses tomber, ce n'est pas grave. Bonne nuit.
Silence
. Le 20 juin 2020. Le monde gronde de toute part et les sourds, aux oreilles pourtant totalement fonctionnelles, continuent leurs courses de prédateurs piétinant tout le vivant sur leurs passages