LES PLACARDS / Episode 51
- Sérieusement ?
- Très !
- Je n'y crois pas, ce n'est pas possible !
- Et pourquoi pas ?
- Parce que cela ne tient pas debout. Tes arguments ne sont pas recevables.
- Je ne vois pas pourquoi ? Ils ne sont pas compliqués à comprendre pourtant.
- Cela n'a rien à voir avec le fait que ce soit compliqué ou pas ! C'est littéralement angoissant et improductif au possible.
- C'est assez radical je le conçois.
- Mais du coup tu espères quoi ?
- Le chaos total !
- Ça ne veut rien dire, le chaos total . Tu veux la fin du monde, c'est cela ?
- Pas du monde, il ne nous a rien fait le monde, mais de nous toutes et tous.
- Et tu penses sincèrement que la fin de l'humanité va arriver, en restant dans ton placard à ne plus rien faire de toutes tes journées ? Tu penses sincèrement que le chaos dont tu rêves tant n'a pas besoin d'un petit coup de pouce de ta part ? Que tu prennes part à l'action ?
- Exactement, personne n'a besoin de moi dans ce processus inexorable. Je me suis fait un potager et j'y ai fait pousser de la beuh aussi. Je suis en total autonomie, enfin presque et mon impact carbone est quasi nul. Pour la beuh, tu devrais essayer, c'est un bon remède contre les angoisses.
- T'as pété une durite ou quoi ?
- J'adore quand tu deviens un peu vulgaire. Cela m'émeut en fait.
- T'es débile ou quoi ?
- Si tu veux, moi je dirais plutôt que je suis réaliste.
- Réaliste ? De quoi ? Comment ?
- On court tout droit à notre perte, pourquoi se mettre la rate au court bouillon ? De toute façon nous sommes une espèce plus que nocive et apparemment irrécupérable. C'est pas faute de crier au loup depuis des années. Mais personne n'entend ou ne veut entendre. On continue les même conneries sans fin et ces dernières années on a fait très fort, on les empire. Et bien voilà, il est là le Loup, prêt à nous bouffer tout crus. Et tout compte fait je crois qu'il a raison ... Il n'y a rien à sauver.
- Ça ne c'est pas arranger en fait depuis la dernière fois. Je ne devrais pas te laisser aussi longtemps sans voir personne.
- Tu as ta vie. Tu l'aimes active. Je ne t'en veux pas. Qu'est ce que tu fais ? Ola ! T'as pas le droit ! Putain, mais lâche moi ! Tu me fais mal !
- C'est toi qui dois lâcher ! Lâche ce placard de merde je te dis !
- Tu rêves ! T'as pas la force de me sortir de là ! J'y suis, j'y reste, c'est un bel endroit pour y attendre le chaos.
- Tu crois ça ? Tu ne veux vraiment pas sortir de ton trou ?
- J'y suis très bien. Je m'emmerde un peu parfois, mais c'est pas bien grave.
- Très bien ! Je vais y foutre le feu à ton placard !
- Tu n'oseras pas ?
- Un peu que je vais oser !
- Tu oserais me faire brûler comme un méchoui dans mon placard ?
- Tu devras sortir, voilà tout.
- N'y compte pas.
- Tu bluffes !
- Tu le penses vraiment ?
- Tu me fais chier !
- J'adore quand tu es vulgaire. Ça m'émeut.
- Tu l'as déjà dit. Tu penses vraiment qu'il est trop tard pour changer le monde ?
- On a déjà tellement essayer, on a même réussi, un peu, parfois, mais cela ne tient pas, l'utopie ne tient pas ... Nous sommes de vrais rouleaux compresseurs de rêves, des tueurs, de tout, en puissance.
- C'est angoissant au possible. Je ne pensais pas que tu t'assombrirais autant un jour. De nous deux, c'était toi le soleil.
- Je sais c'est désolant. Tu veux fumer un peu ?
- Je sais pas. Ça n'a pas l'air de t'aider vraiment.
- Ça m'apaise et distant le temps. C'est pas inintéressant.
- Tu sais qu'on vote aujourd'hui, pour les législatives ?
- Oui, tu me l'as déjà dit tout à l'heure...
Le 12 juin 2022. Juste comme une loupe un peu déformante de mes discussions avec mon fils de 19 ans. Dans la vie c'est lui le plus jeune et le plus pessimiste... Dans Les placards c'est la-le plus âgé-e qui baisse les bras et ne crois plus à nos combats. Pour Léo c'est le monde qui est en déroute, c'est sur la terre entière que cela se passe et du coup nos actions territoriales lui semblent dérisoire vu l'urgence mondiale . Cela provoque de fortes discussions très animées. Lumineuses salutations.